Mort ou vif [portraits et autres captures]
A.Y. Jackson, 2011
(English follows)
Avec près d’une quarantaine d’œuvres accrochées, l’exposition Mort ou vif [portraits et autres captures] est le plus important corpus de mes portraits à n’avoir jamais été réuni. Il y a de cela un an environ, j’ai participé à l’exposition collective « I killed the Group of Seven » à la galerie Patrick John Mills à Ottawa. Spécialement pour l’occasion, j’avais créé une série de petits portraits où j’explosais la tronche de ces icônes de la peinture canadienne à larges coups de pinceau aux couleurs vives. Cette série a été un tel succès qu’elle est devenue le point de départ d’une quantité phénoménale de portraits, ceux-ci incluant des peintres qui ont joué un rôle important dans ma pratique mais aussi, plus simplement, des artistes que j’admire.
Peindre le portrait d’un peintre est une forme de cannibalisme artistique. Non seulement vous vous appropriez l’apparence physique dudit peintre, mais, en imitant son style, vous pouvez jouer avec ses manies. Vous entrez alors dans un dialogue entre votre propre vocabulaire pictural et le sien. C’est la lutte de Jacob avec l’Ange. D’une certaine façon, vous aspirez son âme. Ceci ajoute tout un nouveau pan d’interprétation. Dans le cas de mes portraits de maîtres anciens par exemple, j’ai même poussé le raisonnement à sa limite en allant jusqu’à utiliser seulement les pigments traditionnels, rares et dispendieux, que ces maîtres utilisaient à leur époque. Ce qui donne vraiment l’impression d’un regard « de l’intérieur », à travers le métier de ces piliers de l’art occidental.
Prendre beaucoup de libertés dans le maniement de la peinture a aussi amené certaines personnes à dire que j’avais « zombiefié » mes sujets. Si cela peut sembler vrai de certains portraits où le travail de la matière picturale a accentué l’impression de décrépitude, il n’en demeure pas moins que l’ensemble de l’exposition montre une grande variété de traitements. Ça va de grands autoportraits nus délicatement sculptés à des distorsions de chair convulsives à la Francis Bacon. Mais de façon générale, les visiteurs seront conviés à un véritable voyage à travers l’acte de peindre. Un voyage à travers le regard de ses figures éminentes telles que vues par un peintre d’aujourd’hui.
Même si je suis davantage reconnu pour mes œuvres à forte connotation sexuelle, ce retour à Montréal marque une entreprise d’envergure plus large, soit la généalogie de mon travail. D’autres genres que le portrait toutefois y participent, comme quelques-unes de mes scènes énigmatiques et plus complexes. Une façon de jeter les ponts entre mes figures tutélaires et leur constant et renouvelé assassinat pictural.
Mathieu Laca
août 2012
Avec près d’une quarantaine d’œuvres accrochées, l’exposition Mort ou vif [portraits et autres captures] est le plus important corpus de mes portraits à n’avoir jamais été réuni. Il y a de cela un an environ, j’ai participé à l’exposition collective « I killed the Group of Seven » à la galerie Patrick John Mills à Ottawa. Spécialement pour l’occasion, j’avais créé une série de petits portraits où j’explosais la tronche de ces icônes de la peinture canadienne à larges coups de pinceau aux couleurs vives. Cette série a été un tel succès qu’elle est devenue le point de départ d’une quantité phénoménale de portraits, ceux-ci incluant des peintres qui ont joué un rôle important dans ma pratique mais aussi, plus simplement, des artistes que j’admire.
Peindre le portrait d’un peintre est une forme de cannibalisme artistique. Non seulement vous vous appropriez l’apparence physique dudit peintre, mais, en imitant son style, vous pouvez jouer avec ses manies. Vous entrez alors dans un dialogue entre votre propre vocabulaire pictural et le sien. C’est la lutte de Jacob avec l’Ange. D’une certaine façon, vous aspirez son âme. Ceci ajoute tout un nouveau pan d’interprétation. Dans le cas de mes portraits de maîtres anciens par exemple, j’ai même poussé le raisonnement à sa limite en allant jusqu’à utiliser seulement les pigments traditionnels, rares et dispendieux, que ces maîtres utilisaient à leur époque. Ce qui donne vraiment l’impression d’un regard « de l’intérieur », à travers le métier de ces piliers de l’art occidental.
Prendre beaucoup de libertés dans le maniement de la peinture a aussi amené certaines personnes à dire que j’avais « zombiefié » mes sujets. Si cela peut sembler vrai de certains portraits où le travail de la matière picturale a accentué l’impression de décrépitude, il n’en demeure pas moins que l’ensemble de l’exposition montre une grande variété de traitements. Ça va de grands autoportraits nus délicatement sculptés à des distorsions de chair convulsives à la Francis Bacon. Mais de façon générale, les visiteurs seront conviés à un véritable voyage à travers l’acte de peindre. Un voyage à travers le regard de ses figures éminentes telles que vues par un peintre d’aujourd’hui.
Même si je suis davantage reconnu pour mes œuvres à forte connotation sexuelle, ce retour à Montréal marque une entreprise d’envergure plus large, soit la généalogie de mon travail. D’autres genres que le portrait toutefois y participent, comme quelques-unes de mes scènes énigmatiques et plus complexes. Une façon de jeter les ponts entre mes figures tutélaires et leur constant et renouvelé assassinat pictural.
Mathieu Laca
août 2012
Frank Johnston, 2011
With around 40 works on the walls, the Mort ou vif [portraits et autres captures] exhibition is the most extensive display of my portraits ever to be assembled. Around a year ago, I participated to a collective exhibition at the Patrick John Mills gallery in Ottawa titled “I killed the Group of Seven”. Specially for that show, I created extremely brutally rendered and colorful mugshot-like portraits of the renowned Canadian painting icons. That series was so successful that it became the starting point for a larger body of works that would also encompass portraits of painters that played a significant role in my practice or simply artists I admire.
To paint the portrait of a painter is a form of artistic cannibalism. Not only do you appropriate the physical appearance of the said painter, but, by imitating his personal style, you play with his manias. You then enter into an intimate dialogue between your own painterly vocabulary and his. It’s like Jacob fighting with the Angel. In a way, it allows you to suck his soul. This introduces a totally new layer of meaning. In the case of my portraits of old masters for instance, I even pushed that logic to its limit by using only the very rare and expensive traditional pigments that those same old masters were using in their time. The result is a genuine gaze “from within” the craftsmanship of these landmarks of Western art.
Taking a lot of liberties in my handling of the paint has led certain people to say that I “zombiefied” my subjects. While this can be said of some portraits where decay was brought forward through the materiality of the paint, this exhibition will show a lot of range in treatment. It will span from very delicately painted large nude self-portraits to neon-colored Francis Bacon-like distortions of the flesh. But most importantly, visitors will be conveyed to a journey through the act of painting. A journey through the gaze of some of its most prominent figures as seen by a painter of today.
Even though I’m best known for my very sexually charged works, this Montreal comeback of mine is broader in scope and will show the artistic genealogy of my art. It also includes other genres of paintings aside portraits, like some of my more complex and enigmatic scenes, as a way to build a bridge between authority figures of the past and their constantly renewed painterly assassination.
Mathieu Laca
August 2012
To paint the portrait of a painter is a form of artistic cannibalism. Not only do you appropriate the physical appearance of the said painter, but, by imitating his personal style, you play with his manias. You then enter into an intimate dialogue between your own painterly vocabulary and his. It’s like Jacob fighting with the Angel. In a way, it allows you to suck his soul. This introduces a totally new layer of meaning. In the case of my portraits of old masters for instance, I even pushed that logic to its limit by using only the very rare and expensive traditional pigments that those same old masters were using in their time. The result is a genuine gaze “from within” the craftsmanship of these landmarks of Western art.
Taking a lot of liberties in my handling of the paint has led certain people to say that I “zombiefied” my subjects. While this can be said of some portraits where decay was brought forward through the materiality of the paint, this exhibition will show a lot of range in treatment. It will span from very delicately painted large nude self-portraits to neon-colored Francis Bacon-like distortions of the flesh. But most importantly, visitors will be conveyed to a journey through the act of painting. A journey through the gaze of some of its most prominent figures as seen by a painter of today.
Even though I’m best known for my very sexually charged works, this Montreal comeback of mine is broader in scope and will show the artistic genealogy of my art. It also includes other genres of paintings aside portraits, like some of my more complex and enigmatic scenes, as a way to build a bridge between authority figures of the past and their constantly renewed painterly assassination.
Mathieu Laca
August 2012